Le livre La maison Chypre est proposé dans une version fac-similé, tel un ouvrage indéfiniment voué à sa propre reproductibilité. Au cœur de la répétition arrive la question de la découverte archéologique. Centrale dans le livre, à travers la présence blafarde de ces ossements que l’on exhume du passé, la recherche archéologique est apparue comme un point paradigmatique de l’Histoire de l’île, en miroir avec Pompéi et sa lente coulée de lave, et par extension avec tous les lieux de charniers du monde.
La première photographie du livre entre en porte – à – faux avec la loi, et sa présence témoigne de l’ interdit et de la confiscation quasi généralisée sur l’île. Il s’est agi de mettre à nu un dispositif de captation à travers lequel percevoir demeure toujours un acte voilé, interstitiel et lacunaire. Car le cadre de la photographie est étroit et limité, il étreint l’image, annulant du même coup un ensemble de formes et de causes dialectiques. Ainsi on ne cesse de regarder à travers, à travers des murs, des grilles, des meurtrières, des barbelés, on regarde en même temps que l’inertie des images l’impossibilité photographique de narrer l’Histoire. Et pourtant, le livre existe dans le fouillis des branches enchevêtrées, dans l’entropie de la nature qui force les portes, éventre les murs en un déferlement d’ herbes et de cactées qui se multiplient sans cesse. Ici, l’absurdité de la guerre a bien eu lieu, mais il y a longtemps. Elle a passé emportant dans son sillon le moindre souffle de vie, laissant les hommes aux prises avec une situation kafkaïenne de mur et de division.
1974 : l’image rend compte désormais d’un espace impossible à réveiller, caramélisé et insonore, c’est l’espace d’après et qui dure jusqu’ à aujourd’hui. Seul peut-être l’enfant de dos en t shirt orange nous représente. Ses mains sont élégantes, voraces et nerveuses sur le clavier de l’ordinateur. L’enfant dont le corps est tendu demeure seul devant la lumière de l’écran. Il joue à la guerre par machine interposée. Nous le regardons à son insu, de dos, concentré, et à travers lui nous regardons l’écran et son image.
C’est ainsi désormais que l’on apprend à faire la guerre.
Monique Deregibus

 

Parution
12/02/2018
Collection
Hors Collection
Format
225 x 285
Anglais/Français
Relié couverture cartonnée et toilée
100 photographies en couleur
168 pages
ISBN : 978-2-35046-430-5
De cet ouvrage il a été tiré dix exemplaires de tête, accompagnés d’un tirage original* au format 18 x 24 cm, numéroté et signé par Monique Deregibus. * Deux photographies différentes tirée chacune à cinq exemplaires.
  • La maison Chypre
    Photo #1
  • La maison Chypre
    Photo #2
Commander

Monique Deregibus est photographe et professeur à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon. « La maison Chypre, 2009-2013 » est le troisième livre réalisé en collaboration avec les éditions Filigranes, Paris.
Chacune des séries photographiques, héritière d’une histoire du paysage conceptuel, est consacrée à des territoires spécifiques, tantôt proches ou lointains, manifestant toujours un fort intérêt pour les réminiscences inconscientes contenues dans le plan ainsi que pour les notions d’architecture et de territoire urbain. Ces espaces la plupart du temps consignés dans un travail éditorial peuvent se lire comme formant le décor abandonné des tragédies humaines.

Psychanalyste, Marie-Hélène Brousse est membre du conseil de l’Ecole de la Cause freudienne. Pour la revue « Mental » (n°15, fév. 2005), elle a publié un article intitulé « Vers une nouvelle clinique psychanalytique »

Historien spécialiste du monde turc

Chercheur au Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et de Moyen-Orient de Lyon, Étienne Copeaux s’intéresse particulièrement nationalisme en Turquie, aux symboles et mythologie politique et à la question chypriote. Sa thèse de doctorat soutenue en 1994 à l’université Paris-VIII était titrée De l’Adriatique à la mer de Chine : les représentations turques du monde turc à travers les manuels d’histoire, 1931-1993. Étienne Copeaux collabore régulièrement avec des revues comme Hérodote, la REMMM, CEMOTI… Il est l’époux de l’historienne Claire Mauss.